vendredi 12 mai 2017

1. OXYGENE


21 février 2016

La première n'ayant pas tout à fait produit le résultat escompté, je me prépare à une seconde série de traitements avec juste ce qu'il faut de lucidité et aussi, bien sur, avec une conscience aiguëe de l'enjeu. Évidemment la nécessité de ce deuxième cycle n’est pas une très bonne nouvelle (euphémisme !) et je le commence dans une sorte d’apnée mentale, une hibernation cérébrale (mon état normal diront certains!) qui me protège contre ma propre inquiétude et aussi contre celle, bien légitime, de mon entourage. Plus que tout je vais avoir besoin de tout le sang froid dont je suis capable pour affronter cette épreuve si pénible mais incontournable me dit-on. La facture d'un tabagisme ancien aura été bien (trop) salée ! Indigeste !


L'enjeu dont il est question plus haut est clair: en toute logique les dommages collatéraux du traitement doivent obligatoirement être moindre que les conséquences de la maladie. Ce constat emporte l'acceptation de bien des souffrances. On en redemanderait presque ! Ce qui est compliqué c'est quand le traitement est tellement dur qu'on ne peux pas s'imaginer que la maladie soit pire. Ainsi la tentation de tout laisser tomber bien qu'absurde est parfois bien tentante ! 

Au début par un challenge stupide, je décide de ne pas me raser jusqu'à la fin de cette épreuve. Au bout d’une semaine le miroir me renvoie l’image d’un homme pitoyable, sinistre. La tête de ce type ne me plait pas du tout. Immédiatement je me jette sur mon rasoir, nettoie tout ça et miracle, le même miroir qui a bien compris le message, me montre un homme propre sur lui, sain. Celui-là me plait plus. On le garde.

Bien sûr on essaye de prendre ces événements du bon côté, avec légèreté, hauteur, désinvolture mais si l'humour, même souvent un peu forcé, est normalement un bon remède, une bonne béquille contre les galères , j'avoue que cette fois l'envie de rire et de faire rire a du mal à passer comme un goût de cendre dans la bouche.


En Namibie ce sera une épaule en miette !
Depuis ce terrible accident en Namibie il y a deux ans qui m'a laissé inactif pendant 6 mois, quelques tsunami familiaux et une année de combat pied à pied contre cette maladie, je rêve d'évasion et d'aventure, je me languis, je bouillonne. Deux ans sans bouger, avec des projets que la situation m'amène à annuler les uns derrière les autres, l'inactivité, tout cela devient totalement insupportable. Cela ne va pas pouvoir durer tellement plus longtemps.  Le réconfort vient de l’affection et de la disponibilité d’enfants exceptionnels. D’une famille aimante et merveilleusement présente. De témoignages  inouïs de chaleur et d'affection  de tant d'amis d'ici et d'ailleurs. Et également de quelques retrouvailles. L’une après une vingtaine d’année d’un camarade riche d’une vie de Légion, d’Algérie, d'Indochine et de fidélité à un vieil ami. L’autre riche de sa souffrance et de sa foi, après une dizaine d’année et un orage à Gassin.




Air Oxygène  !
Puis un jour, enfin, le miracle se produit. Le ciel s’éclaircit, les nuages se déchirent pour laisser passer un rayon de soleil régénérateur. Depuis les États Unis je reçois l'information de mon vieux copain John Oates qu'une équipe d'australiens prépare une traversée d'Afrique nord sud pour février 2017. Et soudain, les globules circulent de nouveau dans les artères, les neurones, enfin les deux ou trois qui me restent, s’agitent dans tous les sens, l’adrénaline s’infiltre dans toutes les cellules du corps, des ondes d’énergies nouvelles m’envahissent. On ressort les cartes, les guides, les livres, on consulte les forums, l'Internet. On tourne sans fin autour de la moto, on l’arrange, la répare, la prépare, la bichonne. Une frénésie incroyable me gagne, un élan de bonheur anticipé me gonfle la poitrine. L’Envie est revenue. La vie, si belle, si dense, si riche, si généreuse avec moi depuis si longtemps va encore m’apporter merveilles, paysages, aventures et rencontres.

Me voilà donc prêt pour une quatrième tentative de traversée d'Afrique avec ma fidèle moto mais finalement non ! Quelque chose ne va pas, cela ne suffit pas, il manque une dimension ! Il faut aller plus loin, il faut plus d'adrénaline, plus d'aventures : le vrai voyage, le rêve le plus fou, le projet le plus insensé, l'exploit ultime : le Cap Nord près du pôle nord tout là-haut en Norvège, jusqu'au Cap de Bonne Espérance là-bas tout en bas au bout de l'Afrique. Quel bonheur, quelle aventure cela va être !

 Emmenez-moi
  Au bout de la terre
  Emmenez-moi
      Au pays des merveilles
      Il me semble que la misère
       Serait moins pénible au soleil 

Pour être quand même raisonnable (bof !) afin de mettre toutes les chances de mon côté pour arriver à bon port dans de bonnes conditions et également pour répondre à la nécessité de voir régulièrement mon médecin, je décide de faire cette expédition en 2 étapes ce que j'avais toujours refusé de faire pour mes voyages précédents. D’abord de mai à juin 2016 la partie européenne qui m’amènera du Cap Nord à Antalya au sud de la Turquie avec un départ puis un retour à Tourouvre.

Route Europe
Puis en février 2017 avec mon équipe d'australiens, l’Afrique avec un départ du Caire et une arrivée 3 mois plus tard à Cape Town. En final l'expédition Cape to Cape aura bien été accomplie.

Route Afrique
Ne sentez-vous pas qu’il y a aujourd'hui, plus d’oxygène dans l’air qu’il n’y en avait hier ?

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